ALESSANDRO MORBIDELLI

DSC0639PRIOCCA, un petit village près d’ALBA, 2 Mai 1972. Le petit Alessandro déclare à son papa: « Quand je serai grand, je serai astronome! ». Il a 6 ans, un âge où d’ordinaire, on rêve de devenir pompier, marin ou aviateur! Etudes secondaires à Milan, Master de Physique/Maths car les postes d’astronome sont rarissimes et  il est prudent de  garder les pieds sur terre quand bien même la tête continue de tutoyer les étoiles.  Départ pour Namur où Alessandro, devenu Morby pour ses amis, décroche un Doctorat  de Mathématiques. Mais son rêve est toujours présent. Une opportunité s’offre à lui: l’Observatoire de Nice recherche un stagiaire en Mathématiques. Va pour Nice ! En 1993, un concours du CNRS lui donne accès à la section astronomie. Le rêve est devenuObs Nice réalité. Les mathématiques auront été son passeport pour les étoiles. Désormais, Morby peut vivre pleinement sa passion et faire partager le fruit de ses recherches à ses collègues  à travers les colloques internationaux auxquels il participe activement. Dont celui d’Honolulu en Août dernier, au cours duquel il a organisé une section sur « la dynamique des systèmes planétaires extra-solaires »  et pris la parole, à trois  reprises, devant 3500 astronomes venus du monde entier… A son retour parmi  nous, une énorme surprise l’attend : il vient d’être admis parmi les 263 membres de la très prestigieuse Académie des Sciences, créée il y a 350 ans par Louis XIV et Colbert… Total respect, Monsieur l’Académicien!

Reste, pour le modeste terrien que je suis à engager le dialogue avec un extra-terrestre. Poser les bonnes questions et tenter de comprendre les réponses…

Afp: « C’est quoi l’univers? » galaxieMorby: « Une galaxie comprend environ cent milliards d’étoiles. Et dans l’univers, on compte plusieurs milliards de galaxies vieilles de quatorze milliards d’années, alors que notre soleil ne date, lui, « que » de quatre milliards et demi d’années… » Le temps d’avaler deux comprimés de paracétamol et une deuxième question, plus « terre-à-terre »: « Dans cet incroyable amas d’étoiles, il doit bien avoir de la vie ? » martienMorby: « Pas impossible mais peu probable. Et si elle existe elle doit être très, très éloignée de la Terre. A ce jour, aucune trace de vie n’a été découverte en dépit des nombreuses tentatives de détection. Plus la distance est grande plus un signal éventuel est faible car sa force diminue avec le carré de la distance. Et il y a un saut énorme entre les conditions chimiques nécessaires à la vie… et la vie afp: « mais on a déjà trouvé de l’eau ? » Morby: « L’eau est une condition nécessaire à la vie, mais elle n’est pas suffisante. Une bactérie est complexe et toutes les tentatives pour créer une cellule en labo ont échoué alors que les conditions étaient optimales. Quant à une origine accidentelle de la vie cela relève davantage de la croyance que de la science. Il faut des milliards d’années pour créer une civilisation à partir d’une bactérie. Or, la nôtre n’est vieille que de 4500 ans qui est l’âge de la première pyramide!, celle de Djéser » afp: « les OVNI ?« . Le regard que m’a jeté Morby m’a servi de réponse. Je suis aussitôt passé à la question suivante:  » Ces recherches fondamentales coûtent des fortunes. Quelles sont les applications pratiques pour la société qui les finance ? »

Morby:  » E. E.L.T, le télescope européen en E.ELT Chiliconstruction au Chili, dont l’inauguration est prévue pour 2024, coûtera 2 milliards d’euros. Il sera alors le plus grand au monde, avec un miroir de 100m de diamètre ! Hubble a coûté 26 milliards de dollars. Une mission sur Mars coûtera  2 milliards de dollars. Or, il s’agit d’argent public sans retour pratique direct, mais cela correspond à une quête humaine fondamentale: celle du savoir qui fait partie de nos gênes. C’est aussi pour cette raison que les chercheurs ont un devoir moral de communiquer, humblement, en faisant partager leur savoir au plus grand nombre, en toute simplicité ».  Par ailleurs, le temps n’est plus où un scientifique comme Arago par exemple pouvait être pluridisciplinaire. La masse des données disponibles aujourd’hui est telle que seule la mise en réseau des compétences permet d’avancer. Un chercheur devient un hyper spécialiste d’un champ d’exploration de plus en plus réduit. Le chercheur d’aujourd’hui se doit d’être humble ! afp:  » Revenons sur terre: à l’occasion de la COP 21,  quelle est votre analyse concernant ce sujet d’actualité, le réchauffement de la planète?«  Morby:  » le réchauffement n’est pas contestable. Certes, il y a eu d’autres périodes de réchauffement dans l’histoire de la Terre, mais celui-ci est d’origine humaine. Le taux de CO2 a doublé depuis la révolution industrielle et il est directement corrélé au PIB des pays. Les climato-sceptiques, minoritaires, ne peuvent prétendre le contraire. Le projet ITER de fusion nucléaire, qui reproduit la fusion du  coeur des étoiles, est sans doute l’une des réponses futures à la nécessité de produire de l’énergie. Mais pour y ARC du MITparvenir il faut atteindre des températures de plusieurs millions de degrés, ce qui suppose une « enveloppe » qui supporte de telles températures. » Les matériaux connus sont inefficaces; les chercheurs travaillent donc sur une « enveloppe » magnétique, le « tokamak », qui confine à 150 millions de degrés, deux isotopes, le deutérium et le tritium. Actuellement, aucun réacteur à fusion nucléaire n’a produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. A terme, le programme ARC du MIT américain produira trois fois plus d’énergie qu’il n’en consommera. Et peut-être davantage encore ! Ce sera la réponse la mieux adaptée à notre besoin exponentiel d’énergie consommable »

(*) « Notre » académicien est un parfait exemple du chercheur d’aujourd’hui. Loin de s’abriter derrière la science qu’il maîtrise, il la partage, avec des mots simples, à la portée de chacun et ceux d’entre nous qui ont assisté aux soirées organisées chaque année, à la Médiathèque de La Turbie le savent déjà! (cf. le programme 2016, en avant première, dans nos colonnes.)

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